Manifeste de la Commune Blockchain

@antiprince · 2018-03-20 21:42 · fr

Manifeste de la Commune Blockchain

Sauver la démocratie grâce à Internet et la Blockchain

(version pdf)

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Nos pratiques politiques sont anachroniques. L'humanité dispose désormais d'Internet, un réseau interactif et décentralisé, deux qualités essentielles à la démocratie. 29 000 Gigaoctets de données sont produites chaque seconde sur Internet. Pourtant, nos institutions politiques n'ont pas su se réinventer. En 2018, "chaque citoyen transmet à la collectivité cinq bits d'information à chaque élection"(i), et une infime minorité détient toujours le pouvoir de déterminer notre sort commun. Le problème n'est pas seulement que tout le monde ne participe pas ; nombreux sont ceux à n'avoir ni le temps ni l'envie de se consacrer aux décisions politiques, et il serait illusoire de croire qu'il en sera autrement demain.
Le problème vient davantage du fait que notre système incite les citoyens à ne pas prendre part au débat politique. Ils n'ont aucun pouvoir, et dès lors, à quoi bon consacrer du temps à s'informer sur des problèmes toujours plus nombreux et complexes, que de surcroît ils ne pourront résoudre. C'est problématique, car il n'existe pas d'autre solution qu'une participation citoyenne plus étendue pour mettre fin à ce cercle vicieux ; moins les citoyens participent, moins ils sont renseignés sur les enjeux qui les entourent, et plus il est facile de justifier leur absence de pouvoir politique. De nombreuses études ont montré que le meilleur moyen d'améliorer les connaissances des citoyens était justement de les laisser prendre part aux décisions politiques(ii). Il serait pourtant illusoire de penser que nous pourrions du jour au lendemain transformer des citoyens politiquement apathiques en décideurs éclairés. C'est pourquoi il faut inciter et habituer les citoyens à jouer un rôle plus important dans leur communauté. La démocratie liquide le permet.
Techniquement, la démocratie liquide est possible. Puisque l'ensemble des citoyens ne peut ni ne veut participer à l'ensemble des décisions politiques, la technologie permet de déléguer son vote à une personne de confiance. Par exemple, en déléguant son vote sur les questions scientifiques à un chercheur, le citoyen peut récupérer son vote à tout moment si les choix du délégué s'avèrent finalement en contradiction avec ses idées. Tous deux sont libres. Le représenté conserve son pouvoir, sans avoir besoin d'être expert ou disponible pour l'ensemble des votes.
En pratique, les institutions politiques contemporaines sont tellement sclérosées qu'une évolution prochaine semble utopique. Cette impuissance politique du citoyen pourrait être supportable si nous ne traversions pas une conjonction de crises inédite. L'ampleur des défis à relever rend nécessaire une révolution de nos pratiques politiques.
L'ensemble des pays, démocratiques ou non, semble impuissant face aux trois crises de notre époque : crise écologique, crise économique, et crise des libertés civiles. Écologiquement tout d'abord, l'humanité est à l'origine d'une crise sans précédent depuis l'extinction des dinosaures, un véritable “anéantissement biologique”(iii). Les pays riches n’assument que 3% des coûts environnementaux mondiaux depuis 1961, alors qu’ils ont généré près de 42% de la dégradation environnementale. Simultanément, l'inégale répartition des richesses a atteint son paroxysme. Huit hommes possèdent autant de richesses que la moitié de l'humanité. Sept humains sur dix résident dans un pays où les inégalités se sont accentuées ces trente dernières années(iv), alors même que la démocratie n'a jamais été autant répandue sur le globe. Le niveau des libertés civiles et des droits politiques dans le monde recule chaque année davantage depuis plus d'une décennie(v). Quand bien même un peuple s’opposerait à être massivement surveillé par son propre gouvernement, il n’aurait aucun poids politique pour mettre fin aux surveillances de l’ensemble des pays “alliés” de celui-ci. Toutes ces crises ont une caractéristique commune : elles sont mondialisées.
Il est juste de s'interroger sur les raisons d'une telle débâcle de l'humanité. Dans un village planétaire(vi), l'existence même d'institutions représentatives nationales engendre nécessairement l'impossibilité de mettre en place le bien commun. Les politiques, contraints par une concurrence internationale féroce et par la nature des institutions politiques contemporaines, participent à une guerre économique et politique mondiale.
Les nations sont le problème et non la solution. La recrudescence du nationalisme ne provient pas des succès de la nation, mais davantage des conséquences de l'épouvantail que constituent les instances supra-nationales. L'Union Européenne, une instance supra-nationale créée pour combler les failles des États-nations, est devenue le moteur d'une guerre fiscale mondiale. La chute continue du niveau de taxation moyen des entreprises dans le monde depuis 30 ans conduirait, si elle se poursuit à ce rythme, à une moyenne mondiale de 0 % en 2052(vii). Or, les instances supra-nationales sont souvent l'unique alternative envisagée par les politiques, tout en étant encore moins représentatives et démocratiques que les gouvernements nationaux. Et ce, dans un contexte où les citoyens se sentent déjà dépossédés de tout pouvoir politique.
Imparfaite par essence, oxymore contre nature, la démocratie représentative pouvait difficilement produire d'autres effets. Les défauts structurels de la démocratie représentative sont connus de longue date. Jusqu'au XVIIIe siècle, il était communément admis en philosophie politique que la démocratie ne pouvait s'appliquer sur de vastes territoires(viii). L'échelle de l'imaginaire démocratique était celui de la cité. Ce postulat s'explique par un constat assez simple : plus le territoire est grand, plus les représentants élus sont différents socio-culturellement et géographiquement des représentés. En moyenne, on compte 146 000 habitants par parlementaire dans le monde(a)(ix). Les femmes, les jeunes, et les minorités sont exclus des parlements mondiaux. Alors qu'elles constituent près de 49,51 % de la population mondiale, les femmes ne représentent que 19,25 % des parlementaires. Tandis que l'âge médian de la population mondiale est de 28 ans(x), les parlementaires ont en moyenne 53 ans(b). Dans la plupart des pays occidentaux, le constat est sans appel. Qui que vous soyez et quelles que soient vos idées, il y a de grandes chances que vous soyez représenté par un homme blanc de plus de 50 ans, issu de la catégorie professionnelle des cadres et professions intellectuelles supérieures(xi).
La naissance des démocraties représentatives est issue d'un compromis historique entre les forces politiques à une période où l'échelle politique pertinente était celle de la nation. L'objectif n'est alors pas de créer une démocratie, un terme décrié à l'époque(xii), mais bien de créer une élite dirigeante pour mettre fin à l'hégémonie royale sur le pouvoir. L'aversion de nos ancêtres pour la démocratie est alors notamment justifiée par le manque d'instruction des citoyens. Alors que l'écrit est devenu l'outil de communication institutionnel principal, on ne compte que 6 000 étudiants à Paris en 1789. Dans toute l'Europe, on dénombre seulement 48 000 étudiants en 1848(xiii). C'est un contraste évident avec la démocratie athénienne, dominée par le mode de communication oral(xiv), une forme de communication maîtrisée de tous ses citoyens. Les citoyens athéniens s'instruisaient en participant aux prises de décisions collectives. Le développement du mode de communication écrit, d'États gouvernant de vastes territoires, a inversé ce rapport. Désormais, il faut maîtriser l'écrit et être instruit pour gouverner.
Ce lien entre pratique démocratique et moyen de communication dominant est essentiel. En effet, le développement de l'imprimerie, conjointement à celui des langues vernaculaires(c), a grandement participé à l'émergence d'une communauté imaginaire : la nation(xv). Si le développement de l'imprimerie et de l'écriture a réellement été déterminant dans l'apparition de l'idée de nation, l'apparition d'une nouvelle technologie, aussi disruptive et importante qu'Internet, pourrait avoir des répercussions plus profondes que celles envisagées auparavant. Aujourd'hui, plus de 80 % des habitants des pays développés ont accès à Internet. La démocratie directe correspondait aux cités, dans lesquelles l'oral constituait le mode de communication dominant. La démocratie représentative correspondait aux nations où l'écrit s'était imposé. Reste à construire un système complet correspondant à notre société globalisée communiquant sur Internet.

L'ambition de ce manifeste est de créer un nouveau paradigme politique : mettre en place une démocratie mondiale grâce à Internet mais surtout à une nouvelle technologie, la Blockchain.

Pour mettre en place ce nouveau paradigme, plusieurs difficultés doivent nécessairement être résolues. Il est essentiel de comprendre la nature des maux afin de pouvoir appliquer des remèdes adaptés. Si nos institutions politiques contemporaines sont le produit de deux siècles d'immobilisme(xvi), alors il est essentiel de comprendre les raisons de cet immobilisme. Sans cela, aucune proposition ne serait crédible, car l'analyse n'intégrerait pas les conditions de sa propre réalisation. Le problème fondamental est le suivant : Quel homme politique accepterait de mettre en place une modification d'un système qui le déposséderait de son pouvoir ? Remplacer le pouvoir ne modifie pas pour autant la logique globale des institutions. D'où l'échec d'une partie du printemps arabe, qui trouvait son origine dans un idéal démocratique mais n'a finalement abouti qu'au pouvoir d'une nouvelle caste lorsque cet idéal ne fut pas écrasé(xvii).
L'histoire a montré combien il est difficile de changer les habitudes humaines et les institutions. C'est pourquoi l'échelle locale constitue l'unique échelle réaliste du changement. De nombreuses initiatives ont vu le jour à travers le monde, mais très peu ont pu s'exporter. La Commune est la synthèse d'un mouvement local, fondé sur la participation et la décentralisation, et de son ambition, internationale voire universelle(xviii). Son système est conçu en incitant ses citoyens à l'exporter, afin qu'elle se généralise.
La résilience d'un tel système face aux pouvoirs traditionnels est l'une des clés du changement. L'anthropologie contemporaine confirme que des milliers de sociétés étaient basées sur l'auto-organisation ainsi qu'une forme de consensus plus démocratique que nos régimes contemporains(xix). Environnementalement plus durables et socialement plus justes, nombreuses sont celles qui n'ont pu résister non pas à la force des idées, mais à la force tout court. Or, la technologie Blockchain pourrait permettre de protéger à terme ces Communes.
La technologie Blockchain constitue sans doute l'invention la plus disruptive depuis les débuts d'Internet(d). Il est encore difficile d'en saisir les conséquences ; comment expliquer avant 1989 et l'invention du World Wide Web le potentiel d'Internet ?(e) Dans les faits, il s'agit d'une « technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle »(xx). Elle constitue « une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne. »(xxi). Ses applications potentielles recouvrent une grande part des activités humaines, mais ce n'est pas l'objet de notre propos ici.
Ce que nous retiendrons c'est que, malgré la récurrence des attaques de divers gouvernements contre le Bitcoin, vaisseau amiral de la technologie Blockchain, ce dernier a révélé sa nature anti-fragile. Il a non seulement montré l'incapacité des États à pouvoir détruire une telle technologie, mais également souligné sa capacité à se renforcer lorsqu'on l'attaque. En quelques années, le Bitcoin a prouvé qu'il était possible de créer de la monnaie de manière décentralisée, ce qui, de par son ampleur, constitue un phénomène unique dans l'histoire. Le Bitcoin constitue l'avènement d'un système concurrent aux traditionnelles Banques centrales, non seulement non démocratiques, mais souvent également polluées par les intérêts financiers.
Grâce à la Blockchain, la création monétaire n'est plus nécessairement corrélée à la création d'une dette(f), ce qui constitue déjà, en soi, une véritable révolution. Le remboursement de ces dettes est l'un des principaux moteurs du capitalisme contemporain. Nous ne cherchons pas à encenser le Bitcoin, critiquable sur de nombreux aspects(g). Il s'agit simplement de reconnaître sa résilience face aux plus puissants des États-nations. De même qu'il semble impossible de détruire Internet(h) ou le Bitcoin, une Commune Blockchain serait en théorie indestructible.
Une Commune Blockchain pourrait, à la condition d'être conçue en tant que système démocratique et de posséder les outils de sa propre expansion, débuter dans n'importe quelle ville ou village avant de progressivement s'étendre au monde. Son succès ne serait pas déterminé par le pouvoir en place, mais davantage par la volonté de ses citoyens. La Blockchain apporte ce qui manquait à Internet : la sécurité.

Ce modèle que nous proposons est d'essence décentralisée, autonome, évolutive et démocratique. Il s'agit d'un projet citoyen, et donc nécessairement open source. Nous allons en définir plus explicitement les contours.

Dans sa version la plus épurée, la Commune Blockchain pourrait se limiter à un contrat intelligent(xxii) sur une Blockchain déjà existante telle que l'Ethereum, ou toute autre Blockchain qui constitue une plateforme(i). En principe, cette autogouvernance communale basée sur la Blockchain est simple. Chaque Commune décide démocratiquement de rejoindre ou non le système, à travers un vote “traditionnel” - qui ne se déroule pas sur la Blockchain. Pour qu'un tel vote puisse se produire, un certain nombre de conditions doivent déjà être réunies. Il sera probablement plus facile pour des communes situées dans des pays dits démocratiques de rejoindre le système que pour celles situées dans des régimes totalitaires.
Si une Commune vote effectivement en faveur de ce système, elle choisit elle-même l'ensemble des termes de sa gouvernance. Concrètement, chaque Commune constitue simplement un registre sur la Blockchain composé de l'ensemble des citoyens – selon le principe une adresse(j) = un citoyen de la Commune. Un second registre est composé de l'ensemble des lois. Seul le parrain dispose du pouvoir d'ajouter ou supprimer une adresse (et donc un citoyen) de la Commune, tandis que seul l'ambassadeur a le pouvoir de créer une nouvelle commune. Notre modèle repose donc dans sa version simplifiée sur la création de cinq entités ; le citoyen, la loi, le parrain, l'ambassadeur, l'exécutant ainsi qu'une facultative ; le représentant.
Grâce à ces cinq catégories, le système fonctionne de manière entièrement autonome, démocratique, et peut être facilement étendu au monde entier. Le citoyen constitue l'unité de base du système. C'est lui qui participe à la création ou aux votes des autres entités. Il peut, grâce à la démocratie liquide, déléguer son vote à un citoyen de son choix sur des thèmes particuliers ou non. La loi est à l'origine une proposition citoyenne. Elle s'applique si une majorité de citoyens la vote(k). Elle doit être comprise au sens large ; toute décision qui concerne la Commune constitue une loi. Ainsi, étendre un service de bus dans la Commune peut constituer une proposition. Le parrain est désigné par un tirage au sort ou élu pour un temps donné. Il est responsable d'ajouter ou de supprimer des citoyens dans la Commune selon les termes exigés par la Commune. L'ambassadeur est tiré au sort ou élu pour des périodes à définir. Il a le pouvoir d'exporter le modèle communal dans une autre cité souhaitant rejoindre ce modèle. En bref, lui seul peut créer une Commune. Il a la responsabilité (pénale) de s'assurer que cette Commune a démocratiquement décidé de passer sous le modèle. Suite au vote des habitants, l'ambassadeur instaure les conditions initiales de la Commune. L'exécutant est élu ou tiré au sort en tant que pouvoir exécutif si nécessaire. Enfin, le représentant peut jouer un rôle similaire à celui des démocraties représentatives. Il est donc possible qu'une Commune (ou un ensemble plus vaste) utilise ce système sans pour autant modifier son fonctionnement institutionnel. L'unique différence étant la possibilité pour les citoyens d'organiser des référendums d'initiative populaire, ces derniers étant aujourd'hui plébiscités par 90% des citoyens(xxiii). L'évolution n'est donc pas contrainte, elle est simplement rendue possible.
Lorsque plusieurs communes décident de constituer un ensemble supérieur, un vote confirme ou non cette décision. Si ce rapprochement s’opère, il est désormais possible de proposer une loi au niveau communal, ou de l'entité plus vaste(l) nouvellement constituée. Si deux décisions se contredisent, alors c’est celle de l’ensemble supérieur qui prime. Autrement dit, si une loi votée dans une Commune s’oppose à une autre d’un ensemble plus vaste auquel cette Commune est rattachée, c’est l’intérêt du plus grand nombre qui prime. L’intérêt le plus général passe donc toujours avant l’intérêt comparativement plus restreint. Ceci fonctionne parfaitement pour des ensembles intégrés dans le système.
La cohabitation entre le mode de fonctionnement traditionnel et le système communal est difficile à anticiper. Le système politique traditionnel semble être moins légitime puisqu’il se fonde sur la représentation. C'est l'une des raisons pour lesquelles à ces quatre catégories essentielles peuvent s’ajouter d’autres facultatives tel que des jurés, des policiers, ou d'autres catégories communales. En donnant la possibilité à chaque Commune de choisir et créer de nouvelles catégories, on permet aux communes de pouvoir coexister avec
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