Brève introduction aux Neurosciences Computationnelles

@clement.poiret · 2018-12-29 15:20 · steempeak

Illustration

Le cerveau humain intrigue depuis longtemps bien des esprits. Hippocrate – père de la médecine occidentale – voyait déjà le cerveau comme responsable de nos sensations et siège de notre intelligence[1].

Aujourd’hui, notre vision des choses a bien changé. Vulgairement, le cerveau peut être décrit comme un réseau de neurones ou un réseau de clusters de neurones qu’il serait possible de représenter par la théorie des graphes.

Graph Theory

Fig1. Illustration de la théorie des graphes.

Ici, chaque neurone est représenté par un nœud (node ou vertex). Chaque vertex est relié avec un autre par ce que l’on appelle un edge, matérialisant alors axones et dendrites.

Chaque cluster (les groupes distinguables sur le graphe) pourrait alors représenter un module impliqué dans la réalisation d’une ou plusieurs tâches comme la vision, l’olfaction ou autre.

Ce réseau est flexible et variable par le principe de plasticité cérébral : des vertex peuvent disparaître ou apparaître au même titre que pour les edges.

Notre vision des choses à bien changé depuis l’antiquité, mais plusieurs millénaires n’ont pas suffi. Beaucoup de mystères restent à élucider.


Cerveaux et modélisations

Pour décrire le cerveau dans l’introduction, j’ai utilisé un modèle.

C’est en partie le but des neurosciences computationnelles : créer des modèles capables de réaliser des « tâches cognitives »[2]. Modèles appelés brain-computational models (BCM).

Allen Newel[3] fut l’instigateur de cette discipline en remettant en question la capacité à comprendre le cerveau en ne répondant qu’à une hypothèse à la fois. Selon Newell, il fallait complémenter ces hypothèses par des modèles de sorte à pouvoir comprendre les interactions entre les différents composants.

“What I cannot create, I do not understand.” – Richard Feynman.

Était-ce dès lors les prémices de l’Intelligence Artificielle ?

Un organe, plusieurs modèles

À l’heure actuelle, la quasi-totalité des aires cérébrales sont répertoriées et décrites, notamment à l’aide de la Brain Analysis Library of Spacial maps and Atlases (BALSA)[4] bien que le traitement de l’information reste une relative boîte noire.

Le challenge de la neuroscience computationnelle est alors de créer des algorithmes de traitement de signal consistants avec la structure et les fonctions cérébrales, c’est-à-dire décomposer des processus cognitifs complexes et les matérialiser en modules de computation[2].

Le modèle bayésien en est un bon exemple, modélisant la manière dont le cerveau représente le monde physique et social.

Selon N. Kriegeskorte et P. K. Douglas (2018), les sciences cognitives ont besoin des neurosciences computationnelles pour mettre au point des algorithmes et des modèles expliquant et prédisant les dynamiques cognitives et comportementales, les données comportementales à elles seules ne permettant pas la définition de cadres pour les modèles complexes.

Si des modèles computationnels peuvent expliquer la cognition humaine et animale, le Machine Learning et l’Intelligence Artificielle sont des disciplines clés pour procurer un cadre théorique et technologique nécessaire aux neurosciences computationnelles[2].

La neuroscience computationnelle quant à elle se voit stimulée par les sciences cognitives, poussant à des niveaux de cognition de plus en plus élevés en utilisant le Machine Learning (ML) et l’Intelligence Artificielle (IA) comme bases théoriques et technologiques.

Les progrès dans les deux disciplines provoquent parallèlement par la nature de leurs travaux, une amélioration des technologies liées au ML et à l’IA, permettant par exemple la reconnaissance faciale ou reconnaissance des objets par implémentation de réseaux de neurones.

Ces trois champs sont donc intrinsèquement liés (Fig2.).

Fig2

Fig2. Rôles des modèles computationnels. Adaptation de N. Kriegeskorte et P. K. Douglas (2018).

La création de modèles au service de tous

Créer un modèle cérébral nécessite d’établir des liens solides entre la théorie et les expérimentations. Il serait naturel de se dire qu’un modèle, bien que fonctionnel, pourrait ne pas représenter la réalité, mais une manière alternative parmi tant d’autres pour atteindre un but similaire.

Il est cependant possible à partir des approches computationnelles de réaliser des prédictions. D’un point de vue probabiliste, si le modèle prédit correctement les comportements et réactions d’un cerveau animal ou humain, il se pourrait qu’il soit plus proche de la réalité que d’autres modèles moins performants.

Il s’agit là d’une approche Top-Down : le modèle (Top) permet de prédire les comportements vérifiables par des données expérimentales (Down) en capturant les processus cognitifs par algorithmes, relayant la biologie au second plan.

On parle aussi d’approches Bottom-Up quand les données (Bottom) servent à établir un modèle (Up) en capturant les caractéristiques biologiques de réseaux, relayant les fonctions cognitives au second plan[2].

Par exemple, des données Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle (IRMf) sont traitées par une matrice de corrélations pour établir des réseaux par la théorie des graphes. Des cartes sont alors créées mettant au jour des graphes multipolaires : différentes zones cérébrales interconnectées pour traiter un signal quelconque.

Un cas concret pourrait être le réseau du mode par défaut dont je vous parlais il y a quelques mois.

Conclusion

La neuroscience computationnelle a pour vocation d’établir des modèles, des algorithmes utilisés à la fois dans le domaine des sciences informatiques (Machine Learning, IA, etc.), mais aussi dans les sciences cognitives en réalisant des liens entre les données expérimentales/comportementales et les réseaux de neurones/clusters sous-jacents.

Cependant, les modèles Top-Down sont difficiles à mettre en relation avec les processus biologiques, là où les modèles Bottom-Up expliquent difficilement le traitement de l’information.

Il est donc nécessaire d’utiliser plusieurs modèles pour appréhender cet organe et son fonctionnement, notamment en combinant les approches Top-Down et Bottom-Up.

Fig3.

Fig3. Représentation schématique des modélisations Bottom-Up et Top-Down, N. Kriegeskorte et P. K. Douglas (2018).

Encore de belles années de recherche devant nous !

Références

[1] *Demystifying the brain*. New York, NY: Springer Berlin Heidelberg, 2018.

[2] N. Kriegeskorte and P. K. Douglas, “Cognitive computational neuroscience,”
*Nat. Neurosci.*, vol. 21, no. 9, pp. 1148–1160, Sep. 2018.

[3] A. Newell, “You can’t play 20 questions with nature and win: Projective
comments on the papers of the Symposium,” in *Visual Information Processing*,
Elsevier, 1973, pp. 283–308.

[4] D. C. Van Essen *et al.*, “The Brain Analysis Library of Spatial maps and
Atlases (BALSA) database,” *NeuroImage*, vol. 144, pp. 270–274, Jan. 2017.

[5] Scott E. Page, *"The Model Thinker"*, 2018.

Table des illustrations

-   Illustration. Clement Poiret, CC BY-SA 4.0,

-   Fig1. Goel (Wikipedia), CC BY-SA 4.0,

-   Fig2. Clément Poiret, CC BY-SA 4.0,

-   Fig3. N. Kriegeskorte et P. K. Douglas, CC BY-SA.

Pour aller plus loin


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