Entre guerre intellectuelle et illettrisme : la pseudoscience.

@clement.poiret · 2018-06-18 17:40 · busy

pseudoscience et poison

Fig1.

Astrologie, homéopathie, créationnisme, platisme, parapsychologie. Tant de disciplines dont les idées ne coïncident pas avec les faits, résultantes de raisonnements illogiques et non méthodiques exemptés de science.

De lointaines origines

Il y a fort longtemps, en 965, naquit Ibn al-Haytham. Cet Homme peut être considéré comme l’un des pères de la science de par ses travaux et l’introduction de la pensée critique :

La recherche de la vérité est ardue, la route qui y conduit est semée d’embûches, pour trouver la vérité, il convient de laisser de côté ses opinions et de ne pas faire confiance aux écrits des anciens. Vous devez les mettre en doute et soumettre chacune de leurs affirmations à votre esprit critique. Ne vous fiez qu'à la logique et l’expérimentation, jamais à l'affirmation des uns et des autres, car chaque être humain est sujet à toutes sortes d'imperfections ; dans notre quête de la vérité, nous devons aussi remettre en question nos propres théories, à chacune de nos recherches pour éviter de succomber aux préjugés et à la paresse intellectuelle. Agissez de la sorte et la vérité vous sera révélée. – Ibn al-Haytham.

Il publia en 1021 son Traité d’Optique – l’œuvre de sa vie – où il y expliqua que tout objet perçu par l’œil humain ne l’était que via la réflexion de la lumière du soleil, y compris la lune1.

Ce n’est que 200 ans plus tard que ses travaux furent repris par Roger Bacon qui instaura les bases de la méthode scientifique2 :
- Observation d’un phénomène, mesures,
- Formulation d’hypothèses pour l’expliquer, construction d’un modèle explicatif,
- Prévision de nouveaux événements répondant à ces hypothèses, déduction de conséquences expérimentales,
- Vérification ou réfutation par l’expérience,
- Conclusion.

Aujourd’hui, et 1000 ans plus tard, une majorité de la population n’applique pas ces principes de raisonnement, préférant croire que penser savoir. Voici là un terrain fertile pour l’épanouissement de la pseudoscience.

Cela mène à des chiffres assez impressionnants :
- 41% des Américains pensent que les dinosaures et les Hommes ont vécu au même moment3,
- 26% ignorent que la terre tourne autour du soleil4,5,
- 52% ignorent que l’Homme a évolué à partir d’autres espèces4,5.

Méthode scientifique et scepticisme

Ouverte à toutes les idées, la science teste les hypothèses via un questionnement critique, de l’observation et des expérimentations répétées pour ne retenir que les plus probables.

Selon Carl Sagan6 dans The Demon-Haunted World, la majorité des Américains reconnaît avoir des difficultés à expliquer la différence entre une théorie faisant l’objet d’un consensus comme la théorie de l’évolution, d’une information fallacieuse comme « les fantômes existent ».

Ces mêmes individus ne différencient pas la science de la religion ou de la superstition, ne comprenant pas comment la science peut différencier la vérité d’un mythe.

Ce fait peut expliquer pourquoi la population ne distingue pas science de pseudoscience.

C’est ce que Carl Sagan appelle « les illettrés ».

La différence est pourtant assez simple : le scepticisme, la pensée critique.
La science est basée sur des faits, la pseudoscience est basée sur des croyances9.

La première fois que j’ai ouvert les yeux à ce sujet fût lors d’une conversation avec un chercheur – Pierpaolo Iodice – sur l’interconversion des fibres musculaires. La phrase la plus marquante qu’il m’ait dite fût qu’un chercheur ne croit jamais, il pense.

La science est basée sur des lois qui peuvent être mesurées et prouvées par tests. Une fois qu’une loi est établie, elle peut être utilisée pour de futures recherches et théories.

Si vous prenez la loi de la gravité, elle peut être testée encore et encore pour confirmer qu’elle est toujours vraie. Les chercheurs peuvent alors s’y référer pour de futurs travaux comme celui que j’expliquais ici pour différencier les objets massifs via leurs minimums locaux et leurs disques adjacents formés par les particules.

Une théorie scientifique peut être testée, mais est différente d’une loi parce qu’il est possible de prouver qu’une théorie est fausse. C’est là que réside la force de la science : tout le monde peut chercher une théorie, la corriger et l’améliorer si nécessaire.

La science évolue. Si un chercheur prouve qu’une théorie est fausse, il en proposera une nouvelle, faisant de la science un discipline autocorrective filtrant les mauvaises et bonnes idées, en remplaçant les mauvaises comme le fit Darwin avec le créationnisme.

La pseudoscience, au contraire, est basée sur des croyances, ce qui veut dire qu’il est impossible (du moins très difficile) de prouver qu’elle est fausse. Un croyant vous dira que Dieu existe, car vous ne pouvez pas prouver qu’il n’existe pas, là où le scientifique lui demandera de prouver qu’il existe sans quoi, il n’y croira pas.

Pas de preuve = pas de raison de croire.

https://www.youtube.com/watch?v=eLLIm-GpJh4

La pseudoscience, contrairement à la science, n’implique ni loi ni évidence. Elle est basée sur des idées et suppositions.

Les dangers des pseudosciences

Au moyen-âge, les individus croyaient en des démons appelés incubes qui venaient violer des jeunes femmes dans leur sommeil, les transformant en sorcières6.

La pseudoscience d’aujourd’hui n’en est pas moins absurde (promis, je ne parlerai pas de soucoupes volantes et d’abductions :D).

La pseudoscience peut parfois naître de « surextrapolations » de propos tenus11. En 1992, William Lane écrivait un livre au titre « Sharks Don’t Get Cancer ». Alors qu’un chercheur de l’Université Johns HopkinsGary K. Ostrander – montrait dans son papier pas moins de 40 exemples de tumeurs chez les requins, le mal était fait. Le cartilage de requin faussement proclamé remède miracle avait causé une réduction significative de la population et la mort d’individus cancéreux par substitutions des remèdes classiques.


« AZT, the first prescriptible anti-HIV drug, is potentially harmful and proving less effective than vitamin C in suppressing the virus in chronically infected cells. » - Patrick Holford.

Voici donc un pseudo-expert encourageant la prise de vitamine C au lieu de la zidovudine en guise de traitement contre les cellules porteuses du VIH. 343 000 morts auraient pu être évitées si des compléments de Vitamine C n’avaient pas remplacé les médicaments classiques en Afrique7.

Pour une pensée critique enseignée

livres

Fig2

Les gens lisent sur Internet ou entendent à la télévision que prendre du cartilage de requin peut les guérir du cancer, et ils y croient sans demander à voir la science derrière ces propos. Cela montre comment les médias électroniques augmentent la dangerosité des pseudosciences, changeant de simples curiosités culturelles en problèmes écologiques et sociétaux sérieux. Le seul moyen de combattre ceci est de s’assurer que les leaders des gouvernements et les médias professionnels reçoivent une formation scientifique adéquate basée sur la raison pour qu’ils puissent développer une pensée critique. – Gary K. Ostrander.

Les propos de Gary furent, là encore, confirmés expérimentalement par Anne Collins McLaughlin et Alicia Ebbitt McGill en 201710. Enseigner la pensée critique et la méthode scientifique fait diminuer les taux de croyances dans les pseudosciences.

Je respecte toutes les croyances, nous en avons tous sur de nombreux sujets car nous ne pouvons être omniscients. Il faudrait cependant enseigner la pensée critique et notamment le système de pensée "Slow" explicité par Daniel Kahneman dans son livre Thinking, Fast and Slow8.

Promouvoir la science et endiguer la progression des pseudosciences qui peuvent avoir de réels impacts négatifs sur la santé, la société et la société, est la raison pour laquelle j'ai commencé à écrire il y a maintenant plus d'un an. L'espèce que nous sommes s'est vue dotée au fil de l'évolution, d'un mécanisme cérébrale des plus avancé et culturellement amélioré : la raison. Utilisons là.

Science can be the golden road out of poverty and backwardness for emerging nations. - Carl Sagan, The Demon-Haunted World, 1995.

Références

Numéro Type Référence
1 Internet Wikipedia - Alhazen
2 Internet Wikipedia - Roger Bacon
3 Internet YouGov
4 Internet NSF
5 Livre Carl Sagan, The Demon-Haunted World.
6 Internet Wikipedia - Incube
7 Livre Ben Goldacre, Bad Science.
8 Livre Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow.
9 Livre Michael Shermer, Why People Believe Weird Things.
10 Papier Anne Collins McLaughlin, Alicia Ebbitt McGill. Explicitly Teaching Critical Thinking Skills in a History Course. Science & Education, 2017; DOI: 10.1007/s11191-017-9878-2
11 Papier Johns Hopkins University, Shark Cartilage Cancer "Cure" Shows Dangers of Pseudoscience, http://pages.jh.edu/~news_info/news/home04/dec04/shark.html

Pour aller plus loin

Numéro Type Référence
1 Papier Douglas Allchin. Pseudohistory and Pseudoscience. Science & Education 13: 179–195, 2004; DOI : 10.1023/B:SCED.0000025563.35883.e9
2 Papier Michael Martin. Pseudoscience, the Paranormal, and Science Education. Science & Education 3: 357-371, 1994 ; DOI : 10.1007/BF00488452
3 Livre Joseph T. Hallinan, Why we make mistakes.

Je vous conseille vivement la chaîne YouTube Hygiène Mentale. L’auteur y parle extrêmement bien de la pensée critique et d’autres sujets liés au scepticisme très bien traités.

Table des illustrations

Figure Copyright
Fig1. Illustration personnelle. CC BY-SA Clément POIRET.
Fig2. Illustration Pixabay. CC0.

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