Elle s’est toujours dit que si un employeur la forçait à se maquiller, à se mettre belle, à plaire, elle quitterait sa job.
Dans certaines professions, on exige aux garçons un veston et des cheveux courts.
La voilà, elle, devant son miroir. Elle dépose sur sa commode du fond de teint liquide, de la poudre matifiante, du rouge à lèvres, du mascara, du eye-liner, un fer plat, un séchoir, trois types de brosses différentes, des produits à cheveux dont elle ne connaît pas encore le nom au moment d’écrire ces lignes, mais dont elle devra apprendre à se servir à l’instant. Sur un cintre elle dépose son veston.
Un veston et des cheveux longs : elle se serait contentée de cela.
Pendant son apprentissage forcer d’une forme de féminité imposer, elle doit approuver un communiqué de presse, répondre à des questions d’un journaliste, bref, faire le travail demander.
C’est drôle parce qu’hier, elle était la militante sympathique, celle qui ne recevait presque que des mots d’encouragement. Elle le savait déjà, sauter de l’autre côté de la barrière entraine des conséquences beaucoup plus importantes que l’apprentissage du crêpage de chignon.
Elle regarde les messages reçus sur son téléphone. Ça commence : pute, carriériste, vendue, salope et « bonne fête de la Reine damn separatiss ». Elle regarde la télé. Ça continue : parachuté, isolé, contesté, jeune… Oui, jeune, dans ce contexte, c’est une insulte.
Elle sourit
Elle a choisi de franchir la clôture. Il n’y a pas déchapatoir possible : aux yeux du public, elle devient tout d’un coup unE trou de cul. Les gens peuvent maintenant lui faire subir ce qu’ils veulent bien : insultes, remarques, caricatures, vacheries, trahisons, diffamations, diagnostics psychologiques en tout genre. Elle le savait. Elle l’a vu depuis 1 an. De l’autre côté de la clôture, on perd son titre d’humain. En fait, elle s’étendait à pire.
Une voix lui souffle : « pourquoi tu fais ça? »
« Si tu ne t’occupes pas de politique, c’est elle qui s’occupera de toi. »
Son téléphone vibre. Elle reçoit un message privé se voulant gentil (enfin) sur sa page officielle : « Tu ne feras pas une députée la petite, mais, au moins, t’es cute ».
Tabarnak
« Chère humanité, malgré tout, je t’aime », souffle-t-elle.
Ceci explique la disparition de l’autre depuis mai dernier.