
Juillet 2000 : Partis d'Abidjan (Cf Partie 1) nous sommes maintenant lá oú l'avanture va réellement commencer : Le nord Niger
Agadez
Le vent de sable nous accueille. Il fait chaud, nous sommes fatigué et tout le monde veut nous parler. Drôle d’impression après la solitude de ces derniers jours. Il faut dire qu’ici, depuis le début de la rébellion (Touareg) il ne passe plus grand monde. Le pont aérien du Paris-Dakar cet hiver n’a pas arrangé les choses. Par bonheur on a un contact et rapidement nous retrouvons nos Touaregs à nous : Michel et ses potes. Ils nous accompagneront pour porter notre essence pendant la traversée du Ténéré et du Kaouar.

Michel nous emmène dans sa maison et nous présente à sa famille. Nous voilà introduit chez les fameux hommes bleus. Les journée se passent en visites, achats de dernière minute, préparation des motos et demandes d’autorisations pour la traversée du Ténéré. Les soirées sont formidables, dans la cour de la maison, comme en dehors du temps, autour du feu on dévore la cuisine de Mme Michel, on boit du thé et on écoute. On écoute des heures entières la vie de Michel et de ses amis, leur rébellion, leurs rêves, Mano Dayak, leurs Toyota...Fabien ne sera pas d’accord avec moi car plus tard, Michel, tu nous as mis dans une situation difficile, très difficile. En mon nom, malgré tout, merci pour ces quelques jours.
En attendant l'autorisation, nous consacrons deux jours à une balade vers Arlit à 250 km d’Agadez. Arlit est une ville construite autour d’une mine d’uranium exploitée par la France. Il y a quelques années environ 500 expatriés y vivaient, aujourd’hui ils sont trois. On les a rencontré et François, Marc et Jean-Paul nous ont fait passer deux jours surréalistes. Au moins 45° dehors et nous dans une maison hyper climatisée à déguster coq au vin, terrine de canard, ragoût de sanglier, champagne et...étape du tour de France !!!

L’Aïr
Les autorisations sont prêtes, les passeports traduits en Arabe, les bagages et l'essence dans le pick-up. Les derniers adieux à la famille et aux amis venus souhaiter bonne chance pour la traversée qui nous attend. Eux savent que le désert ce n’est pas que du plaisir, qu'il faut lutter, subir, ne jamais se décourager. Nous on l’apprendra, mais plus tard, car ce matin en quittant Agadez on se sent prêt à affronter tous les obstacles. Quelques kilomètres plus loin les premiers passages de sable vont nous rappeler immédiatement notre condition de « petits » motards.
Avant le Ténéré, on a choisi de traverser les montagnes de l’Aïr. Ces montagnes au milieu du Sahara sont magiques. Les plus hauts sommets avoisinent les 2000 mètres. Il y a de l’eau, donc des villages, de la végétation, des cultures. Chaque village est propice aux rencontres et à quelques achats : dates, viande, fromage de chèvre mais aussi des raisins ! A chaque halte et avant toute chose, on nous offre un bol d’eau et des dates. Il faudrait des pages pour raconter l’Aïr et sont peuple, les cascades de Timia, les montagnes bleues, la pince de crabe ...
Ce matin la piste est très sableuse et difficile pour nous : ornières profondes dont la roue avant semble toujours vouloir sortir, acacias avec leurs épines affûtées sur les côtés. On nous avait dit quand ça ne va pas dans le sable, accélére ! Bien joli mais devant il y a le pick-up dans lequel les Touaregs sont morts de rire de nous voir batailler de la sorte. Pour moi la journée se conclura par une gamelle et une crevaison juste avant la nuit. Première réparation, à la frontale ! A l’heure du thé, Michel et ses deux amis, qui ont passé une journée formidable à nos dépends, se font un plaisir d’en remettre une couche en nous racontant les difficultés à venir, le sable plus mou, les dunes... Les gars ça fait un an que l’on essaye de nous décourager, c’est pas maintenant qu’on va reculer. Un proverbe Sénoufo dit « C’est l’homme qui a peur sinon y a rien » donc ce soir on s’endort en admirant le ciel, fatigué mais heureux. Demain est une autre vie.

Le Ténéré et le Kaouar
C’est à regret que l’on quitte les montagnes de l’Aïr. Il faut refaire les provisions d’eau, toute la matinée sera utilisée pour chercher un puits qui pour nous ressemble à une flaque. Il aura fallu remonter plusieurs canyons avant de trouver. C’est la première fois que l’on comprend l’importance de l’eau. Pour rattraper la matinée on va rouler jusqu’à 13h. Dès onze heures la chaleur est très forte, les moteurs chauffent et nous brûlent les pieds à travers les bottes. Épuisant. Lorsque l’on s’arrête enfin sous l’acacias salvateur, après avoir vérifier les traces de vipères à cornes, je m'endors sans avoir la force de manger.
Le soir par contre c’est la récompense, les premières dunes sont franchies et on installe le campement dans un lieu fantastique appelé : La pince de crabe, près du village d’Arakao. Les dernières montagnes de l’Aïr, noires, disposées en demi-lune voient s’engouffrer en leur sein les vagues de dunes de sable rose. Cette tempête immobile sera le plus beau paysage du voyage. Nous trouvons encore la force d’en faire le tour en moto, accompagné par moment de gazelles blanches.

Enfin on traverse le désert des déserts, depuis Arakao, 600 kms jusqu’à Dirkou avec un seul oasis : Achegour. Le départ est marqué par la visite d’un cimetière et d’un site néolithique. Quelques témoignages de ce lointain passé : une meule qui servait à écraser les grains et des pointes de flèches. Quand on pense que ça à 6 à 10 000 ans ! A l’exception de petits cordons de dunes, il n'y a pas de difficultés particulières dans le nord Ténéré, c’est plat et le sable est dur. Le soleil et le paysage vide sont quand même responsables d’effets particuliers, en ce qui me concerne j’ai toujours l’impression que l’on monte. Il faut rester vigilant.

Nous apprenons à nous orienter sans Gps, avec les vagues créées par le vent dominant sur le sable, á cuire du pain sous le sable, á préparer le thé, á mettre nos chèches convenablement, á gérer la gourde en peau de chèvre retournée pour avoir de l'eau "fraîche" , á écrire nos noms en caractères Tifineq ... Une trentaine de kilomètres avant Dirkou, le sable devient mou et alterne avec des plaques de fech fech. Il faut pousser les moteurs, rester dans les tours et ne pas s’arrêter, durant ces quelques jours la conduite sur sable est devenu un réflexe.
A Dirkou nous sommes chez les Toubous. Moins popularisés que les Touaregs, ils ont, nous a-t-il semblé, une façon de vivre similaire. Nous rencontrons Jérôme, c’est lui qui vend l’essence dans cette partie du désert depuis 1957. C’est aussi un personnage hors du commun. Il est né en Egypte et a eu une jeunesse aventureuse, il aime notamment évoquer le temps où il s’est battu pour la France en Afrique, une guerre maintenant si éloignée. Aujourd’hui, son plaisir est d’accueillir et de discuter avec les gens de passage, comme personne n’est passé depuis longtemps on bénéficie d’un accueil chaleureux qui ne se démentira pas, quand, plus tard, nous aurons vraiment besoin d’aide.
Pour atteindre la frontière Libyenne il y a encore plusieurs jours de désert dans la région du Kaouar. Un village perdu, d’une pauvreté extraordinaire. C’est la première fois qu’au cours de mes voyages je me demande pourquoi des gens restent ici : Seguedine. Les jours se font longs, le terrain est difficile, les paysages moins beaux et la chaleur nous oblige à des pauses trop longues, Yat, Dao Timmi, Mabrous, Madama.
Il nous semble que l’on n’atteindra jamais la Libye, les Touaregs en ont assez aussi, la proximité de la Libye les inquiète. La sortie du Niger ne pose pas de problème, 100 km plus loin un premier poste militaire Libyen donne le ton. Il n’y a aucune formalité à accomplir mais ça prendra trois heures. La tension est perceptible même pour nous qui ne comprenons strictement rien. On finit par passer, la douane est dans vingt bornes : Tumu.
Tumu
Cette fois ça se gâte pour de bon ... á suivre dans la 3éme partie
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