Dans les années 90 je travaillais en Côte d'Ivoire. Chaque année je devais me rendre à Dakar pour faire passer le bac aux élèves du Sénégal pendant quemon collègue de Dakar venait à Abidjan faire passer le bac aux miens. C'était au mois de juin une période pluvieuse à Abidjan mais excellente à Dakar. L'organisation de l'examen nous obligeait à rester sur place environ 3 semaines. Compte tenu des effectifs relativement réduits cela nous laissait largement le temps de profiter de la ville et même un peu du pays.
 * * * * *L'arrivée était souvent assez cocasse. Un responsable du consulat venait nous accueillir à l'aéroport pour faciliter notre arrivée. Mélangeant travail et loisirs j'arrivais avec mes documents mais aussi mon surf sous un bras et la canne à pêche sous l'autre. J'étais jeune et j'avais un peu honte de me présenter officiellement dans cet équipage devant la personne costumée du consulat. Je passais donc, faisant mine de m'intéresser sérieusement à un panneau publicitaire situé à l'opposé de la pancarte portant mon nom, sans me signaler. Le lendemain je feignais de n'avoir pas vu la personne. Le petit jeu se renouvelant chaque année je suppose que personne n'était dupe mais je n'ai jamais eu de réflexions désobligeantes qui somme toute aurait été méritée. Les heures de travail étaient prioritaires. L'ambiance très sympathique qui régnait au lycée et les conditions de travail agréables, rendaient le travail très facile. Le reste du temps n'était que loisirs et découvertes.
J’avais sympathisé, un peu par hasard, avec un personnage atypique à qui je rendais visite à chacun de mes passages à Dakar. Haïdar était Libanais, né au Sénégal, amoureux de la mer et écologiste. Il possédait un club de plongée sur la petite corniche, préférait s’occuper des plongeuses que des plongeurs, ne travaillait que si vous lui sembliez sympathique. Libre, à sa façon, il ne respectait que ce qu’il considérait comme des vrais valeurs. Haïdar ne se prenaitjamais au sérieux, Haïdar d’ailleurs ne prenait jamais rien au sérieux, des événements dramatiques l’avaient conforté dans cette façon d'affronter la vie. Haïdar m'a appris à plonger et beaucoup de choses sur la mer et les poissons. Je passais avec lui la majorité de mon temps libre et d'excellents moments. Quelques dix ans après mon dernier voyage à Dakar, je rencontrais par hasard un plongeur à Madagascar qui m’appris qu'Haïdar était devenu ... Ministre de l’écologie !
En plus de la plongée, le club disposait de kayaks. J’adorais en prendre un pour partir sur l’île de Gorée, situé 5 km juste en face. Une traversée agréable dans une baie calme, qui permettait d’arriver à Gorée comme un gars du coin et éviter les soi-disant guides qui attendaient les touristes au bout du quai se montrant parfois un peu fatiguant. Gorée c’est l’île d’où partaient les bateaux chargés d’esclaves, la Maison des esclaves se visite comme lieu hautement symbolique de cette période. C’est aussi un joli petit port et de belles promenades vers la partie sud plus sauvage.
  Si nous ne partions pas plonger, nous allions surfer : la pointe des Almadies avec sa magnifique mais cruelle vague derrière le club Med. Cruelle car les oursins en dessous guettaient la moindre erreur et on se rappelait longtemps des morceaux d’épines restés sous la peau. Il y avait, heureusement, d’autres endroits plus faciles, l’un d'entre eux, près de l’aéroport abritait la cabane qui me servait de quartier général à la pause déjeuner. A 12h j’y partais rapidement, le propriétaire gardait bien plié ma chemise blanche et mon pantalon sérieux, me donnait l’état des vagues, une planche et ses encouragements. A 1h30 il me faisait signe, je sortais, il me douchait avec la bouteille d’eau qu’il avait préparé et laissée au soleil. Á deux heures j’étais au boulot avec mes petites chaussures vernies. Seuls mes cheveux, j'en avais encore à l'époque, parfois encore humides pouvaient me trahir. Je n'ai jamais été en retard.
Il y avait, en bord de mer, en face de l’université, un espace aménagé en plein air pour la musculation. C’était ouvert à tous, fait avec des essieux de camions et autres pièces de récupération. Avec mes 65 kg je passais pour le gringalet de service devant les Sénégalais qui y passaient leurs journées. Loin de se moquer tout le monde venait me donner l’un un coup de main, l’autre unconseil. Juste avant le coucher de soleil une petite plage en contrebas servait pour la gym en plein air. On était des centaines à trottiner et faire quelques mouvements sous les ordres d'entraîneurs, je suppose improvisés. Une bonne manière de faire des rencontres et de se faire inviter pour pénétrer le cœur des chaudes nuits de Dakar.
 Lorsque l'on disposait de temps le matin, il était agréable de prendre un café dans la rue principale du centre-ville. Un petit parfum de France que nousn’avions pas à Abidjan, une ville organisée différemment. On trouvait même des croissants. Plusieurs marchés intéressants parsèment la ville, couleurs, odeurs, bruit et négociations sont au programme. Rien de tel qu’un Thiéboudiène, le riz au poisson, après une bonne session de surf. Je préfère ne pas trop décrire les spécialités culinaires, ça me donne envie de repartir de suite. Le Mafé : poulet ou viande aux arachides, les dibiteries qui proposent du mouton grillé avec des oignons, le poulet Yassa ... De petits restaurants familiaux vous servaient ça pour trois fois rien avec un grand sourire. On se sent comme à la maison et on sort calé. S'il restait du temps libre, une partie de pêche le long de la grande corniche était la plupart du temps fructueuse. * * * * *
Voilà comment se déroulait la vie d'un professeur expatrié en mission de correction. En plus de la vie à Dakar même, j'avais l'occasion de partir quelques jours entre la correction des copies et les oraux de repêchage, pendant que les élèves mettaient à profit leur temps de révision. Certaines régions m'ont beaucoup plu telles que le Siné Saloum ou Saint Louis que l'on atteignait en roulant sur la plage et à travers un cordon de dunes depuis le lac rose.
     * * * * * Fin * * * * *🇫🇷 Toutes les photos sont de moi. Elles sont d'époque, photographiées avec un téléphone aprés avoir été développées il y a 30 ans et stockées. Elles sont certes de mauvaise qualité mais j'ai choisi de les garder.
Merci pour votre lecture ✨
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